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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/63

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SONNETS.

XX

Oh ! de quelle puissance tiens-tu cette faculté toute-puissante de dominer mon cœur du haut de ton insuffisance, de me forcer à donner un démenti à l’évidence et à jurer que le jour brille de moins d’éclat que toi ?

D’où tires-tu le charme que tu prêtes aux choses mauvaises ? Comment, dans le rebut même de tes actions, y a-t-il tant de force et tant de prestige qu’à mes yeux tes défauts sont supérieurs à toutes les perfections ?

Par quel art te fais-tu aimer de moi d’autant plus que j’apprends et que je vois en toi de nouveaux sujets de haine ? Oh ! quoique j’aime ce que d’autres abhorrent, tu ne devrais pas comme d’autres voir ma condition avec horreur.

Si ton indignité m’a inspiré l’amour, je n’en suis que plus digne d’être aimé de toi.

XXI

L’amour est mon péché, et ta vertu profonde est la haine, haine de mon péché fondé sur un amour pécheur. Oh ! compare seulement ma situation à la tienne, et tu verras qu’elle ne mérite pas cette réprobation ;

Ou, si elle la mérite, ce n’est pas de tes lèvres qui ont profané leurs ornements écarlates, et scellé de faux engagements d’amour aussi souvent que les miennes, volant aux lits des autres leur légitime revenu.