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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/70

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SONNETS.

tu fait sortir sans mon manteau, si c’est pour laisser d’infimes nuages me surprendre en route et cacher ta splendeur dans leur fumée corrompue ?

Il ne suffit pas que tu perces à travers le nuage pour sécher la pluie sur ma face battue des tempêtes : car nul ne peut bénir le baume qui cicatrise la blessure sans guérir la souffrance.

Ton remords n’est pas un remède à ma douleur ; tous tes regrets ne réparent pas ma perte. Le chagrin de l’offenseur ne cause qu’un faible soulagement à celui qui porte la lourde croix de l’offense.

Ah ! mais ces larmes sont des perles que ton affection répand, et ces riches perles sont la rançon de tous tes torts.

XXXII

N’aie plus de chagrin de ce que tu as fait : les roses ont l’épine, et les sources d’argent, la boue ; les nuages et les éclipses cachent le soleil et la lune ; et le chancre répugnant vit dans le plus suave bourgeon.

Tout homme fait des fautes, et j’en fais une moi-même en autorisant tes torts de mes comparaisons, me corrompant moi-même pour panser tes coups et trouvant à tes méfaits une excuse qui les dépasse.

Car je donne une explication à ta faute sensuelle, ton adversaire se fait ton avocat, et je commence contre moi-même une plaidoirie en forme. La guerre civile est entre mon affection et ma rancune.