Par la blanche main de Rosalinde, je te jure, jouvenceau, que je suis celui-là : je suis cet infortuné.
Mais êtes-vous aussi amoureux que vos rimes l’affirment ?
Ni rime ni raison ne saurait exprimer à quel point je le suis.
L’amour est une pure démence : je vous le déclare, il mériterait la chambre noire et le fouet autant que la folie ; et, s’il n’est pas ainsi réprimé et traité, c’est que l’affection est tellement ordinaire que les fouetteurs eux-mêmes en seraient atteints. Pourtant je m’engage à la guérir par consultation.
Avez-vous jamais guéri quelque amant de cette manière ?
Oui, un, et voici comment. Il devait s’imaginer que j’étais sa bien-aimée, sa maîtresse, et je l’obligeais tous les jours à me faire la cour. Alors, en jeune fille qui a ses lunes, j’étais chagrine, efféminée, changeante, exigeante et capricieuse ; arrogante, fantasque, mutine, frivole, inconstante, pleine de larmes et pleine de sourires ; affectant toutes les émotions, sans vraiment en ressentir aucune, et pareille, sous ces couleurs, au commun troupeau des jeunes gens et des femmes. Tantôt je l’aimais, tantôt je le rebutais ; tour à tour je le choyais et le maudissais, je m’éplorais pour lui et je crachais sur lui. Je fis tant