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APPENDICE.

reconnut en effet Rosader. Des explications pathétiques eurent lieu entre les deux frères, l’un implorant son pardon, l’autre amnistiant et oubliant toutes les injures passées. Dès qu’ils se furent embrassés, Rosader conduisit son aîné à la retraite de Gérismond et le présenta au roi, lui racontant tout ce qui s’était passé entr’eux. Le roi, heureux de leur réconciliation, promit à Saladin toutes les faveurs que la pauvreté de son empire permettrait de lui conférer. Puis, avec un profond soupir, il lui demanda s’il avait des nouvelles d’Alinda ou de sa fille Rosalinde. « Aucune, sire, dit Saladin ; depuis leur départ, on n’a pas entendu parler d’elles. » — « Cruelle fortune, s’écria le roi, qui, pour doubler les misères du père, s’acharne contre la fiile ! » Sur ce, accablé de douleurs, il se retira dans sa grotte, laissant les deux frères ensemble.

Aussitôt Rosader conduisit chez lui Saladin : pendant deux ou trois jours, il se promena avec son frère pour lui montrer les beautés des environs.

De son côté, Ganimède, ayant toujours son amour au cœur, ne pouvant trouver de repos, s’impatientait de la cruelle absence de Rosader : car les amants comptent toutes les minutes, et tiennent les heures pour des jours et les jours pour des mois, jusqu’à ce qu’ils puissent rassasier leurs yeux par la vue de l’objet aimé. Dans cette perplexité vivait la pauvre Ganimède, quand un jour, assise près d’Aliéna, toute rêveuse, elle leva les yeux et vit venir Rosader avec son épieu sur les épaules. À cette vue, elle changea de couleur, et dit à Aliéna : « Voyez donc, madame, voici notre joyeux chasseur ! » Dès que Rosader fut à portée de parole, Aliéna l’interpella :

— Eh bien, gentil chasseur, quel vent vous a donc tenu éloigné d’ici ? Si nouvellement marié, vous n’avez donc pas plus de souci de votre Rosalinde ? Est-ce là cette