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ROSALINDE.

Coridon, couvert de ses habits de fête, avait décoré de fleurs toute la maison, si bien qu’elle ressemblait plutôt à quelque bosquet favori de Flore qu’à une chaumière de campagne. Phébé était arrivée avec toutes les filles de la forêt, pour parer la mariée de la manière la plus avantageuse ; mais, quelque zèle qu’elle mît à orner Aliéna, elle ne perdait pas de vue Ganimède qui, comme un joli page, suppléait sa maîtresse et veillait à ce que tout fût prêt pour l’arrivée du marié. Saladin, en costume de veneur, arriva de bonne heure, accompagné de Gérismond et de son frère Rosader. Les nouveaux venus furent reçus solennellement par Aliéna. Gérismond vanta hautement l’heureux choix de Saladin, qui possédait une bergère dont les grâces extérieures annonçaient tant de qualités. Il accepta des mains de Coridon une belle mesure de cidre, et but à la santé d’Aliéna et de ses jolies compagnes. Aliéna fit raison au roi et but à Rosader. Tandis qu’ils buvaient ainsi, tous prêts à partir pour l’église, arriva Montanus, tout de jaune habillé, pour signifier qu’il était délaissé : sur sa tête était posée une guirlande de saule, sa bouteille pendait à son côté en signe de désespoir, et à sa houlette étaient attachés deux sonnets, testaments de ses amours et de ses malheurs. Les bergers, dès qu’ils l’aperçurent, lui rendirent tous les honneurs possibles, le tenant pour la fleur des bergers de l’Ardenne ; car on n’avait jamais vu un plus beau garçon depuis ce mauvais sujet qui faisait paître les brebis de l’Ida. Gérismond demanda qui il était. Sur quoi Rosader raconta l’amour de Montanus pour Phébé, sa grande fidélité envers cette cruelle, et comment par représailles les dieux avaient rendu cette mijaurée amoureuse du jeune Ganimède. Après ce récit, le roi désira voir Phébé qui, amenée devant Gérismond par Rosader, colora la beauté de son visage d’une nuance de vermillon si charmante