Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 9.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
294
LE ROI LEAR.

— Je puis à peine te parler ; tu ne saurais croire — avec quelle perversité… ô Régane !

régane.

— Je vous en prie, sire, prenez patience. Vous êtes, je l’espère, — plus apte à méjuger son mérite — qu’elle ne l’est à manquer au devoir.

lear.

Eh ! qu’est-ce à dire (46) ?

régane.

Je ne puis croire que ma sœur ait en rien — failli à ses obligations. Si par hasard, sire, — elle a réprimé les excès de vos gens, — c’est pour des motifs et dans un but si légitimes — qu’elle est pure de tout blâme.

lear.

— Ma malédiction sur elle !

régane.

Oh ! sire, vous êtes vieux. — La nature en vous touche à la limite extrême — de sa carrière : vous devriez vous laisser gouverner et mener — par quelque discrète tutelle, mieux instruite de votre état — que vous-même. Aussi, je vous en prie, — retournez auprès de ma sœur, — et dites-lui que vous avez eu tort, sire.

lear.

Moi, lui demander pardon ! — Voyez donc comme ce langage ferait honneur à une famille : — « Chère fille, je confesse que je suis vieux ; — la vieillesse est parasite ; je demande à genoux — que vous daigniez m’accorder le vêtement, le lit et la nourriture. »

régane.

— Bon sire, assez ! ce sont des plaisanteries peu gracieuses. — Retournez près de ma sœur.

lear.

Jamais, Régane. — Elle a restreint ma suite de moi-