— Va, femme vipère, opprobre de ton sexe ! — Les dieux, sans doute, te puniront, — ainsi que moi, misérable, qui, pour obtenir faveur, — ai donné à la fille un conseil contre le père ! — Mais le monde nous apprend par expérience — que qui ne sait pas flatter ne saurait vivre.
— Qu’est-ce qui vous rend si triste, mon père ? — Il me semble que vous ne riez plus comme d’habitude.
— Plus nous approchons de la tombe, — moins les joies mondaines ont de charme pour nous.
— Mais savoir s’habituer à la gaieté, — c’est le moyen de prolonger la vie.
— Alors, sois le bienvenu, chagrin, seul ami de Leir — qui désire mettre fin à son existence troublée.
— Remettez-vous, mon père. Voici votre fille, — qui s’affligera fort, je n’en doute pas, de vous voir si triste.
— Mais qui s’afflige plus encore, je le crains, de me voir vivre.
— Ma Gonorill, vous arrivez à propos — pour tirer votre père de sa pensive mélancolie. — En vérité, je crains que tout n’aille pas bien.
— Quoi ! craignez-vous que je l’aie offensé ? — S’est-il plaint de moi à mon seigneur ? — Je le réduirai à la portion congrue, — car bientôt il ne s’occupera plus — qu’à colporter des bavardages de l’un à l’autre. — Son unique occupation est d’allumer des querelles — entre vous, milord, et moi, votre femme dévouée ; — mais je prendrai des mesures, si je puis, — pour arrêter le mal à sa source.
— Chère, ne te fâche pas aveuglément. — Jamais de la vie il ne s’est plaint de toi. — Mon père, vous ne devez pas faire attention à des paroles de femme.
— Hélas ! non. La pauvre enfant, elle fait peau neuve, — et c’est ce qui la rend si sensible, pour sûr.