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SCÈNE X.

Si mon soupçon est faux, pardonne-le-moi. Dieu, — car le jugement n’appartient qu’à toi seul. — Ah ! je voudrais aller réchauffer ses lèvres blêmes — sous vingt mille baisers et laver son visage d’un océan de larmes amères, — et exprimer mon amour à son corps sourd et muet, — et faire sentir ma main à sa main insensible. — Mais bien vaines seraient ces obséquieuses tendresses ; — et le spectacle de sa terrestre image morte — ne ferait qu’augmenter ma douleur.

On expose un lit sur lequel est exposé le corps de Glocester (20).
warwick.

— Approchez, gracieux souverain ; jetez les yeux sur ce corps.

le roi henry.

— Oui, pour voir de quelle profondeur est ma tombe. — Car, avec son âme, s’est enfuie toute ma joie terrestre ; — car, en le voyant, je vois ma vie dans la mort !

warwick.

— Aussi sûrement que mon âme espère vivre — avec ce Roi révéré qui assuma notre condition — pour nous délivrer de la malédiction courroucée de son Père, — je crois que des mains violentes — ont attenté à la vie de ce duc trois fois fameux.

suffolk.

— Redoutable serment prononcé d’une voix solennelle ! — Quelle preuve donne lord Warwick de ce qu’il atteste ?

warwick.

— Voyez comme le sang s’est porté à sa face ! — J’ai souvent vu des êtres morts naturellement : — le corps est d’un aspect cendré, maigre, blême, incolore, — le sang ayant reflué en masse vers le cœur agonisant — qui, dans sa lutte avec la mort, — l’appelle à l’aide contre l’ennemi. — Le sang alors se glace avec le cœur, et ne revient jamais rougir et embellir la joue. — Mais, voyez, son visage est