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HENRY VI.

édouard.

— Oh ! ne parle plus, j’en ai trop entendu.

richard.

— Dis comment il est mort, car je veux tout entendre.

le messager.

— Il était environné d’une foule d’ennemis — et luttait contre eux, comme le héros, espoir de Troie, — contre les Grecs qui voulaient entrer dans Troie. — Mais Hercule lui-même doit succomber au nombre ; — et les coups multipliés d’une petite hache — tranchent et abattent le chêne le plus dur. — Votre père a été maîtrisé par une foule de mains, — mais il n’a été égorgé que par le bras furieux — de l’impitoyable Clifford et par celui de la reine. — Elle a couronné le gracieux duc par une amère dérision ; — elle lui a ri à la face ; et, quand il pleurait de douleur, — cette reine implacable lui a donné, pour essuyer ses joues, — un mouchoir trempé dans le sang innocent — de ce doux jeune Rutland, assassiné par le brutal Clifford, — et, après maintes insultes et maints outrages noirs, — ils ont abattu sa tête, et l’ont placée — sur les portes d’York, où elle est restée, — lugubre spectacle, le plus lugubre que j’aie jamais vu !

édouard.

— Bien-aimé duc d’York, appui sur qui nous nous reposions, — maintenant que tu n’es plus, nous n’avons plus ni soutien ni protection ! — Ô Clifford, forcené Clifford, tu as tué — la fleur de la chevalerie d’Europe ; — tu l’as vaincu, lui, par la trahison, — car, glaive à glaive, c’est, lui qui t’eût vaincu ! — Désormais le palais de mon âme en est devenu la prison ; — ah ! si elle pouvait s’en échapper ! si mon corps — pouvait être enseveli en paix sous la terre ! — Car je n’aurai plus jamais de joie : — jamais ! oh ! je ne connaîtrai plus jamais la joie.