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HENRY VI.

je m’attendais à le voir jaillir plus haut ! — Voyez, comme mon épée pleure pour la mort du pauvre roi ! — Oh ! puissent-ils verser toujours de ces larmes pourpres, — ceux qui souhaitent la chute de notre maison ! Si quelque étincelle de vie te reste encore, — descends, descends en enfer, et dis que c’est moi qui t’y envoie !

Il le poignarde de nouveau.

— Moi qui n’ai, ni pitié, ni amour, ni crainte ! — Au fait, ce que m’a dit Henry est vrai. — Car j’ai souvent entendu ma mère dire — que je suis venu au monde les jambes en avant. — N’avais-je pas raison de me dépêcher, dites, — pour chercher à ruiner ceux qui usurpaient nos droits ? — L’accoucheuse fut ébahie ; et les femmes s’écrièrent : — Oh ! Jésus nous bénisse ! il est né avec des dents ! — Et en effet j’étais né ainsi ; ce qui signifiait clairement — que je grognerais, que je mordrais, et que je serais un vrai limier. — Eh bien, puisque les cieux ont ainsi façonné mon corps, — que l’enfer fasse mon âme difforme à l’avenant ! — Je n’ai pas de frère, je n’ai rien d’un frère. — Cet amour, que les barbes grises appellent divin, — est bon pour les gens qui ont entre eux des analogies, — et non pour moi. Moi, je suis unique. — Clarence, gare à toi ! tu m’interceptes la lumière ; — mais je susciterai pour toi un jour sombre. — Car je répandrai dans l’air des prophéties telles — qu’Édouard tremblera pour sa vie ; — et alors, pour le purger de sa frayeur, je serai ta mort. — Le roi Henry et le prince son fils ont disparu. — Clarence, ton tour est venu, puis viendra celui des autres : — car je me tiendrai pour infime jusqu’à ce que je sois suprême. — Henry, je vais jeter ton corps dans une autre salle, — et triompher de ton dernier jour.

Il sort.