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HENRY VIII.

wolsey, seul.

— Ainsi, adieu même au peu de bien que vous me voulez ! — Adieu, un long adieu à toutes mes grandeurs ! — Voilà la destinée de l’homme : aujourd’hui, il déploie — les tendres feuilles de l’espérance ; demain il se charge de fleurs — et accumule sur lui toutes les splendeurs épanouies ; — le troisième jour, survient une gelée, une gelée meurtrière, — et, au moment où il croit, naïf bonhomme, — que sa grandeur est mûre, la gelée mord sa racine, — et alors il tombe, comme moi. Pendant un grand nombre d’étés, — comme ces petits garçons qui nagent avec des vessies, — je me suis aventuré sur un océan de gloire — à une distance où j’ai perdu pied ; mon orgueil, gonflé d’air, — a fini par crever sous moi, et maintenant il me laisse, — épuisé et vieilli par le labeurs, à la merci — d’un courant violent qui doit pour toujours m’engloutir. — Vaines pompes, gloires de ce monde, je vous hais ; — je sens mon cœur s’ouvrir à de nouveaux sentiments. Oh ! combien misérable — est le pauvre homme qui dépend de la faveur des princes ! — il y a entre le sourire auquel il aspire, — le doux regard des princes et sa disgrâce, — plus d’angoisses que n’en ont les femmes, plus d’alarmes que n’en a la guerre. — Et quand il tombe, il tombe comme Lucifer, — à jamais désespéré.

Entre Cromwell, effaré.

Eh bien, qu’y a-t-il, Cromwell ?

cromwell.

— Je n’ai pas la force de parler, monsieur.

wolsey.

Quoi ! te voilà consterné — de mes infortunes ? Ton esprit peut-il s’étonner — qu’un grand de ce monde décline ? Ah ! si vous pleurez ; — il faut que je sois bien déchu.

cromwell.

Comment se trouve Votre Grâce ?