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INTRODUCTION.

en 1710, Gildon, dans ses Remarques sur tes pièces de Shakespeare, répète, avec le ton de la certitude, que la reine obligea Shakespeare à mettre en scène Falstaff amoureux : « J’ai la parfaite assurance, ajoute-t-il, qu’il acheva l’œuvre en quinze jours. Chose prodigieuse, quand on considère que tout est si bien imaginé et mené sans la moindre confusion ! »

La tradition, ainsi consacrée par trois témoignages successifs, acquiert et garde pendant tout le dix-huitième siècle la consistance d’un fait historique. Les commentateurs la corroborent de leur adhésion unanime. Pope et Théobald l’enregistrent, en déclarant toutefois que l’ouvrage écrit par Shakespeare à la requête royale est l’ouvrage embryonnaire imprimé en 1602, et non l’ouvrage définitif publié en 1623. Johnson la mentionne et s’en sert pour critiquer les Joyeuses Épouses de Windsor, faisant remarquer que « nul labeur n’est plus ardu que d’écrire d’après les idées d’autrui. » Enfin l’oracle Malone la proclame et l’explique solennellement. Malone pense qu’elle a été transmise à Dennis et à Gildon par Dryden et à Dryden par Davenant, et affirme, avec Pope et Théobald, qu’elle s’applique à l’œuvre ébauchée ; il ajoute que la comédie, probablement esquissée en 1601 et retouchée en 1603, doit être logiquement placée avant Henry V, bien qu’elle ait été chronologiquement conçue après ce drame-chronique, joué en 1600. « Le fait est, dit-il, que, bien qu’elle doive être lue, comme l’a déclaré le docteur Johnson, entre la seconde partie de Henry IV et Henry V, elle fut écrite après Henry V et quand déjà Shakespeare avait tué Falstaff. Shakespeare, ayant ressuscité sir John par déférence pour le commandement royal, jugea nécessaire en même temps de ressusciter tous les personnages avec qui on était habitué à le voir. » Cette théorie de Malone, con-