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INTRODUCTION.

comme une frénésie de plaisir. Le courtisan Rowland Whyte, sorte de Dangeo anglais à l’affût de tous les faits et gestes de la reine, raconte, dans une de ses lettres à sir Robert Sydney, que Sa Majesté s’amusait alors fréquemment à faire danser ses femmes au son du tambourin. Elle riait, elle jouait, elle chantait, elle coquetait avec ses gentilshommes ; elle se mêlait elle-même aux rondes joyeuses, et agitait en cadence ses vieilles jambes de soixante-huit ans. Tout lui était prétexte à divertissements. L’envoyé de l’archiduc Albert, le Flamand Vereiken, étant venu pour négocier la paix entre l’Angleterre et la maison d’Autriche, la reine le reçut en grand gala, le 23 février 1600, et, au moment où l’ambassadeur lui remit ses lettres de créance, elle lui dit en souriant : « J’ai ouï dire que vous étiez personnellement désireux de me voir ; vous n’en êtes que mieux venu. » Gracieuseté royale à laquelle le Flamand répondit par cette fadaise diplomatique : « Il est vrai que je brûlais d’entreprendre ce voyage pour voir Votre Majesté qui, pour la beauté et la sagesse, surpasse tous les princes du monde, et je me considère comme infiniment obligé à ceux qui, en m’envoyant ici, m’ont procuré le bonheur dont je jouis. » Tout cela, du reste, était dit du bout des lèvres Si coquette qu’elle fût avec le plénipotentiaire catholique, la reine protestante n’avait au fond nulle envie de traiter avec lui ; car en ce moment-là même elle méditait le renouvellement de son pacte d’alliance avec les révoltés de Hollande. Bien éloignée de répondre sérieusement à l’envoyé flamand, elle ne s’occupa que de le distraire. Sir Walter Raleigh, chargé de faire à Vereiken les honneurs de Londres, lui montra l’abbaye de Westminster, les tombeaux et autres singularités du lieu. Rowland White écrivait a son ami sir Robert Sydney, à la date du samedi 8 mars 1600 : « Toute cette semaine, les