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SCÈNE XI.

font de mauvaises digestions, — d’où naît le feu ardent de la fièvre ; — et qu’est-ce que la fièvre, sinon un accès de démence ? — Tu dis que ses plaisirs étaient troublés par tes clabauderies : — la douce distraction interdite, que survient-il ? Une morose et sombre mélancolie, — parente du sinistre et inconsolable désespoir, — et, à ses talons, un immense cortége pestilentiel — de blêmes désordres ennemis de la vie. — Être troublé dans ses repas, dans ses plaisirs, dans le repos réparateur de sa vie ! — Il y a là de quoi rendre fou un homme ou une bête. — En conséquence donc, ce sont tes accès de jalousie — qui ont enlevé à ton mari l’usage de la raison.

luciana.

— Elle ne le grondait jamais que doucement, — quand lui il se montrait brusque, violent, emporté.

À sa sœur.

— Pourquoi supportez-vous ces reproches, sans y répondre ?

adriana.

— Elle m’a livrée à mes propres remords. — Bonnes gens, entrez et saisissez-vous de lui.

l’abbesse.

— Non, personne n’entre dans ma maison.

adriana.

— Eh bien, faites amener mon mari par vos domestiques.

l’abbesse.

— Je n’en ferai rien ; il a pris cette demeure pour asile, — et elle le sauvegardera contre vos atteintes, — jusqu’à ce que je lui aie rendu la raison, — ou que du moins j’aie perdu ma peine à le tenter.

adriana.

— Je veux veiller sur mon mari, être son infirmière, — soigner sa maladie, car c’est mon office, — et je ne veux