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EXTRAIT DES ŒUVRES ITALIENNES DU BANDEL.

nourrice avec charge de lui rapporter avec quelle face et contenance son Lactance les lirait : la bonne dame fit son message, et ayant trouve son homme à propos lui met l’écrit en main, lequel le lisant sentit de grandes émotions en son âme, et telles que presque la larme lui vient à l’œil, lui semblant offrir une même peine que celle qu’il connaissait violenter à bon escient le cœur de cette pauvre fille ; pour laquelle consoler, et afin qu’elle ne se forçât point, il répondit toutes bonnes paroles à la nourrice, quoiqu’il fût si ravi ailleurs, que sur l’heure il ne se pouvait point vanter d’avoir la puissance de soi-même. Bien pensé-je que s’il eût parlé à la fille de Nanni, que facilement sa flamme féconde s’épanouissant, il eût donné place au feu déjà éteint de ses amours premières, voire si la chose eût guère plus continué, et que Nicole n’eût cessé de lui envoyer ses commis et entremetteurs de paix, facilement elle en eût emporté la victoire : mais son père retournant encore à Rome, et elle ne voulant plus aller à Fabrian chez son oncle, il la mit en une religion de femmes à Gièse, avec une sienne cousine, afin de n’apprendre point ailleurs les folies mondaines, et s’envelopper en l’amour, en l’abîme duquel elle était déjà plus que misérablement plongée. Toutefois le bonhomme était trompé de plus de moitié, car tout ainsi qu’il pensait sa fille être sans savoir que c’est que d’aimer, et néanmoins elle y était experte maîtresse : aussi estimait Nicole que les religieuses, où elle fut menée, ignorassent les trames d’amour, et que parmi elles on ne trouvât que sainteté, continence et austérité de vie : mais quand elle vit la délicatesse et effémination cachée sous la blancheur de leurs voiles, les chemises de fine toile et parfumées en lieu de la rudesse de quelque haire, ou grosse toile d’étoupe, contemplant leurs tresses annelées en lieu d’être tondues, et les cheveux frisés, les sourcils pincetés