Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/142

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fluette qu'une verge; ce chapeau est Nan, notre servante; je suis le chien; non, le chien est lui-même, et je suis le chien. Oh ! oh! je suis le chien, et le chien est moi ; oui, c'est cela, c'est cela. Maintenant, je m'approche de mon père : « Père, votre bénédiction. » Maintenant le soulier ne doit pas dire un mot, tant il pleure. Maintenant j'embrasse mon père ; bien, voilà qu'il pleure à flots. Maintenant, je vais vers ma mère. Oh! si elle pouvait parler ! Mais, non : muette comme une souche. Bien, je l'embrasse; là, ça y est. Tenez, voilà exactement le soupir que ma mère tire de sa poitrine. Maintenant je vais à ma sœur ; remarquez le gémissement qu'elle pousse. Maintenant, pendant tout ce temps, le chien ne verse pas une larme et ne dit pas un mot ; mais voyez comme j'abats la poussière avec mes larmes.

Entre PANTHINO.

PANTHINO. — Vite, vite, Lance, à bord. Ton maître est embarqué et il te faut prendre tes jambes à ton cou pour le rattraper. Eh bien, qu'est-ce qu'il va? Pourquoi pleures-tu, bonhomme ? Dépêche-toi donc, Ane, tu vas perdre la marée si tu tardes plus longtemps.

LANCE. — II importe assez peu que Vamarré soit perdu; car c'est le plus insensible amarré qu'un homme ait jamais amarré.

PANTHINO. — Qu'est-ce que c'est que cette marée insensible ?

LANCE. — Parbleu, celui qui est amarré ici, Crab, mon chien.

PANTHINO. — Allons donc, nigaud, je veux dire que tu perdras le flot, et en perdant le flot, tu perdras ton voyage, et en perdant ton voyage, tu perdras ton maître, et en perdant ton maître, tu perdras ton service, et en perdant ton service.... Eh bien, pourquoi veux-tu m'interrompre?

LANCE. — De peur que tu ne perdes ta langue.

PANTHINO. — Comment pourrais-je perdre ma langue ?