Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/155

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JULIA. — Non, ma fille, je les attacherai par des cordons de soie en vingt noeuds vainqueurs, de l'originalité la plus capricieuse. La fantaisie va bien à un jeune homme même plus âgé que je n'en aurai l'air.

LUCETTA. — De quelle manière ferai-je vos culottes, madame ?

JULIA. — C'est à peu près comme si tu disais : « Dites-moi, mon bon monsieur, de quelle largeur voulez-vous votre jupon? » Fais-les de la façon qui te plaira le mieux, Lucetta.

LUCETTA. — II vous les faut nécessairement avec une languette, madame.

JULIA. — Fi, fi, Lucetta! cela serait tout à fait malséant.

LUCETTA. — Un haut-de-chausses ne vaut pas une épingle s'il n'a pas de languette où l'on puisse attacher des épingles.

JULIA. — Lucetta, choisis ce qui paraîtra à ton amitié le plus convenable et le plus élégant. Mais, dis-moi, ma fille, qu'est-ce que le monde pensera de moi pour avoir entrepris un voyage aussi aventureux? Je crains fort qu'il ne fasse médire de moi.

LUCETTA. — Si telle est votre crainte, restez au logis et ne partez pas.

JULIA. — Oh ! pour cela, non.

LUCETTA. — Alors, ne vous souciez pas de la calomnie et partez. Si, à votre arrivée, Protée se montre heureux de votre voyage, il importe bien peu qu'il déplaise à tel ou tel quand vous serez partie ; mais je redoute fort que Protée n'en soit pas enchanté.

JULIA. — C'est là la moindre de mes craintes, Lucetta ; des serments par milliers, des larmes par flots, des preuves d'amour à l'infini, me garantissent un tendre accueil auprès de mon Protée.

LUCETTA. — Toutes ces démonstrations sont aux ordres des hommes infidèles.

JULIA. — Hommes vils, ceux qui les emploient à si vile fin ! Mais des étoiles plus loyales ont présidé à la naissance de Protée : ses paroles sont des chaînes, ses serments