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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 1.djvu/161

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LE DUC. — Comment vais-je m'y prendre pour porter un manteau ? je t'en prie, laisse-moi essayer ton manteau. (Il prend le manteau de Valentin.) Qu'est-ce que cette lettre ? qu'y a-t-il là ? « A Silvia.... » Eh! voici justement l'objet nécessaire à mon entreprise!... J'aurai l'audace pour une fois de rompre le cachet. Il lit.)

« Mes pensées trouvent un asile la nuit auprès de ma Silvia; ce sont mes esclaves, à moi, et je leur permets de s'envoler vers elle. Ob ! si leur maître pouvait aller et venir aussi légèrement, lui-même irait se loger là où insensibles elles se nichent! Mes pensées, qui sont mes hérauts, reposent sur ton chaste sein, tandis que moi, leur roi, qui les introduis près de toi, je maudis la faveur qui leur permet de jouir d'une telle faveur, parce que je voudrais pour moi-même l'heureuse fortune de mes serviteurs; je me maudis moi-même, de ce que c'est moi-même qui les envoie habiter là où leur seigneur voudrait habiter. »|

Et qu'y a-t-il là encore? « Silvia, cette nuit je t'affranchirai. » C'est bien cela, et voilà l'échelle qui doit servir à l'entreprise. — Eh quoi, Phaéton, — car tu n'es que le fils de Mérops, — aspires-tu donc à guider le char céleste et à incendier le monde par ton audacieuse folie ? As-tu donc la prétention d'atteindre les étoiles parce qu'elles brillent au-dessus de toi? Va donc, vil intrus ! esclave outrecuidant ! va porter. à tes égales les caresses de tes sourires, et attribue à ma modération seule et non à une exacte balance entre ton châtiment et ta faute le privilège que je te laisse de partir d'ici. Sois-moi reconnaissant de cette indulgence plus que de toutes les faveurs trop nombreuses que je t'ai prodiguées; mais si tu traînes sur mon territoire plus de temps que n'en exige de toi l'empressement le plus actif à quitter ma cour royale, par le ciel ma colère ira bien au delà de l'amour que j'ai pu porter jamais à ma fille ou à toi-même. Pars! je ne veux pas écouter tes vaines excuses ; mais si tu tiens à ta vie, fais diligence. (Il sort.)