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162 LES GENTILSHOMMES DE VERONE.

SCÈNE n.

Milan. — La cour du dnc.

Entre PROTÉE.

PROTÉE.—J’ai été déjà fourbe envers Valentin, et maintenant il faut que je sois encore déloyal envers Thurio. Le prétexte de parler en sa faveur m’a fourni le moyen de présenter mon propre amour ; mais Silvia est trop belle, trop sincère, trop sainte, pour se laisser corrompre par mes offres indignes. Lorsque je proteste de la sincérité de mon amour pour elle, elle me jette au nez ma fausseté envers mon ami ; lorsque j’offre mes voeux à sa beauté, elle m’invite à me rappeler combien j’ai été parjure en rompant ma foi envers Julia, que j’aimais ; et cependant, malgré tous ses brusques sarcasmes, dont le moindre, suffirait pour éteindre l’espérance d’un amant, plus elle méprise mon amour et plus il grandit, et, semblable à un épagneul, plus il se blottit contre elle. Mais voici Thurio ; il nous faut maintenant nous rapprocher de sa fenêtre et réjouir ses oreilles d’une sérénade.

« Entrent THURIO et les musicietis.

THURIO. — Eh bien ! messire Protée, vous vous êtes donc insinué ici avant nous ’ ?

PROTÉE. — Oui, aimable Thurio ; car vous savez que l’amour s’insinue humblement là où il ne peut entrer tout droit.

THURIO. — Oui ; mais j’espère, Monsieur, que vous n’aimez pas ici.

PROTÉE. — Pardon, Monsieur, car sans cela je n’y serais pas.

THURIO. — Qui aimez-vous ? Silvia ?

PROTÉE. — Oui, Silvia, — pour votre compte.

THURIO — Portez mes remercîments au vôtre.—Main-