ACTE V, SCÈNE II. 177
JULIA, a part. — C’est inutile, puisqu’elle sait que cette valeur est couardise.
THURIO. — Que dit-elle de ma naissance ?
PROTÉE. — Qu’elle vous fait descendre de bon lieu.
JULIA, a part. — C’est vrai ; car sa lignée descend d’un gentilhomme à un fou.
THURIO. — Apprécie-l-elle mes propriétés ?
PROTÉE.—Oh ! oui, et elle s’apitoie sur elles.
THURIO. — Pourquoi ?
JULIA, à part. — Parce qu’elles sont possédées par un pareil âne.
PROTÉE. — Parce que les ayant affermées, elles ont le malheur d’être séparées de vous.
JULIA. — Voici le duc.
Entre LE DUC.
LE DUC — Or çà, messire Protée ! or çà, messire Thurio ! lequel de vous deux a vu messire Églamour depuis ces dernières heures ?
THURIO. — Pas moi.
PROTÉE. — Ni moi.
LE DUC — Avez-vous vu ma fille ?
PROTÉE. — Pas davantage.
LE DUC. — Parbleu, alors, elle est allée rejoindre ce manant de Valentin, et Églamour l’accompagne. C’est évident, car frère Laurent les a rencontrés tous deux dans la forêt, où il errait par pénitence ; il a reconnu parfaitement Églamour ; quant à Silvia, il a bien soupçonné que c’était elle, mais comme elle était masquée, il n’a pu en être certain. En outre, elle avait annoncé qu’elle se rendrait en confession ce soir à la cellule de frère Patrick, et elle n’y était pas. Toutes ces circonstances confirment sa fuite ; par conséquent, je vous en prie, ne vous amusez pas à bavarder, mais montez à cheval immédiatement et venez me retrouver au bas de la montée qui conduit vers Mantoue, où ils se sont enfuis. Dépêchez-vous, chers gentilshommes, et suivez-moi.
(Il sort.)