Scène IV
Valentin. — Si le duc continue à vous regarder avec autant de faveur, Césario, vous ne pouvez manquer de faire un beau chemin ; il ne vous connaît que depuis trois jours et déjà vous n’êtes plus un étranger pour lui.
Viola. — Vous craignez donc son humeur ou ma négligence, puisque vous mettez en doute que son affection dure longtemps : est-ce qu’il est inconstant dans ses faveurs, Monsieur.
Valentin. — Non, croyez-moi.
Viola. — Je vous remercie. Voici venir le duc.
Le Duc. — Holà ! qui a vu Césario ?
Viola. — Le voici ; tout à vos ordres, Monseigneur.
Le Duc. — Tenez-vous un instant à l’écart, vous autres. — Césario, tu ne connais rien moins que le tout des choses qui me concernent ; je t’ai ouvert le livre même de mon âme secrète : ainsi, bon jeune homme, prends ta course vers sa demeure ; ne permets pas qu’on t’en refuse l’entrée, plante-toi contre sa porte et dis à ses gens que tes pieds vont se clouer en terre et y prendre racine jusqu’à ce que tu aies obtenu audience.
Viola. — Assurément, mon noble Seigneur, si elle est autant qu’on le dit en proie à son chagrin, elle ne m’admettra jamais.
Le Duc. — Fais du tapage et saute par-dessus toutes les barrières de la politesse, plutôt que de t’en revenir comme tu serais venu.
Viola. — Eh bien, si je peux lui parler, que lui dirai-je, Monseigneur ?
Le Duc. — Oh ! alors dévoile-lui l’excès de mon amour, étonne-la en lui décrivant ma tendre fidélité : il te siéra bien