Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/427

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Scène IV

Le jardin d’Olivia
Entrent Olivia et Maria.

Olivia. — Je l’ai envoyé chercher. Il dit qu’il viendra ; comment le traiterai-je ? quel don lui ferai-je ? car la jeunesse se fait plus souvent acheter qu’elle ne se donne ou ne se prête. Je parle trop haut. Où est Malvolio ? il est morose et poli, c’est un serviteur qui s’accorde parfaitement avec le caractère de ma fortune actuelle. Où est Malvolio ?

Maria. — Il vient, Madame, mais dans un étrange accoutrement. A coup sûr, il est possédé, Madame.

Olivia. — Quoi, qu’y a-t-il ? Est-ce qu’il extravague ?

Maria. — Non, Madame, il ne fait rien que sourire : il serait bon que votre Seigneurie eût quelqu’un avec elle, s’il vient ; car, à coup sûr l’homme a le cerveau fêlé !

Olivia. — Allez, faites-le venir. (Sort Maria.) Je suis aussi folle que lui, si une folie triste est l’égale d’une folie gaie.

Rentre MARIA avec MALVOLIO.

Olivia. — Eh bien, qu’y a-t-il, Malvolio ?

Malvolio, souriant d’une manière fantastique. — Ma douce Dame, oh ! oh !

Olivia. — Tu souris ? je t’ai envoyé chercher pour une triste occasion.

Malvolio. — Triste, Madame ! Je pourrais être triste, moi ; cette façon d’attacher ses jarretières en croix gêne quelque peu la circulation du sang ; mais qu’est-ce que cela fait ? Si cela plaît aux yeux de certaine personne, il en sera de moi ce que dit avec vérité le sonnet fameux : Plaire à une seule, c’est plaire à toutes.

Olivia. — Qu’est-ce, comment te trouves-tu, l’ami ? qu’as-tu donc ?