364 LE ROI HENRI -VI.
tre, jette dans les cœurs gelés de crainte de notre parti les charbons ardents de la vengeance ! Que nul soldat ne fuie : celui qui est vraiment soldat, n’a pas d’amour de soi ; et celui qui s’aime n’a pas essentiellement, mais n’a que par accident la vertu de la vaillance. (Il aperçoit le corps de son père.) Oh ! puisse ce vil monde périr ! Puissent les flammes du dernier jugement envoyées avant leur temps unir ensemble le ciel et la terre ! Que la trompette des mondes sonne l’ouragan de son appel, et étouffe tout le vacarme de nos querelles particulières, et tous nos petits bruits. Eh quoi, mon cher père, étais-tu donc destiné à perdre ta jeunesse dans la paix et à revêtir la livrée argentée de la vieillesse prudente, pour mourir ainsi dans une bataille soulevée par une mauvaise cause, à l'âge vénérable où l’on garde son fauteuil ? À cette vue, mon cœur s’est changé en pierre, et tant qu’il battra, il sera de pierre. Les gens d’York n’épargnent pas nos vieillards ; je n’épargnerai pas davantage leurs enfants : les larmes des vierges feront sur mon cœur juste l’effet de la rosée sur la flamme, et la beauté, qui souvent fait fléchir les tyrans, sera pour le feu de ma colère huile et étoupes. Désormais je ne veux avoir rien de commun avec la pitié : que je rencontre un enfant delà maison d’York, et je le couperai en autant de menus morceaux que la sauvage Médée coupa le jeune Absyrtus 6 : je chercherai mon renom dans la cruauté ; Viens, ruine nouvelle : de la vieille maison de Clifford (il enlève le corps). Comme Énée emporta le vieil Anchise, ainsi je t’emporte sur mes épaules viriles ; mais Énée emportait un fardeau vivant, tandis que rien n’est pesant comme mon douloureux fardeau à moi. (Il sort.)
Entrent en combattant RICHARD PLANTAGENET et SOMERSET ; SOMERSET est tué.
RICHARD. — C’est bon, repose ici. Somerset aura rendu fameuse la sorcière, en venant mourir sous une misérable enseigne de cabaret : Au château de Saint-Albans. Épée,
