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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/117

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traînerai sur une claie, moi. Qu’est-ce à dire, carogne chlorotique ! coquine ! figure de suif13!

MADONNA CAPULET. — Fi, fi ! Comment donc ! êtes-vous fou ?

JULIETTE. — Mon bon père, je vous en conjure à genoux, ayez la patience de m’entendre vous dire un seul mot.

CAPULET. — Va te faire pendre, jeune coquine ! désobéissante drôlesse ! Je t’en avertis, aie soin d’aller à l’église jeudi, ou ne me regarde jamais plus en face : ne. parle pas, ne réplique pas, ne me réponds pas ; les doigts me démangent. Femme, nous nous regardions comme peu en grâce auprès de Dieu, parce qu’il ne nous avait envoyé que ce seul enfant ; mais maintenant je vois que c’était encore un de trop, et qu’en la recevant, nous avons reçu une malédiction. Qu’elle aille au diable, la misérable !

LA NOURRICE. — Le Dieu du ciel la bénisse ! Vous avez tort, Monseigneur, de la traiter ainsi.

CAPULET. — Et pourquoi cela, Madame la Sagesse ? Tenez votre langue en bride, ma bonne Madame Prudence ; allez bredouiller avec vos commères, allez.

LA NOURRICE. — Je ne dis rien de mal.

CAPULET. — Ah parbleu, je vous demande bien pardon !

LA NOURRICE. — Est-ce qu’on ne peut pas dire un mot ?

CAPULET. — Paix, sotte marmotteuse ! allez faire vos graves réflexions en buvant avec vos commères, nous n’en avons pas besoin ici.

MADONNA CAPULET. — Vous êtes trop vif.

CAPULET. — Hé, sainte hostie ! cela me rend fou. Comment de jour et de nuit, à toute heure, en tout temps, en toute circonstance, pendant le travail, pendant le plaisir, seul, en compagnie, je n’aurai eu qu’une seule pensée, son mariage ; et maintenant que je lui ai trouvé un gentilhomme de noble famille, de belle fortune, jeune, de noble éducation, étoffé comme on dit de toutes sortes d’honorables