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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/132

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est-ce que vous allez pleurer parce qu’elle est élevée au-dessus des nuages, aussi haut que le ciel lui-même ? Oh ! votre amour aime si mal votre enfant, que son bonheur suprême vous rend fous : celle qui est bien mariée, n’est pas celle qui vil mariée longtemps ; mais elle est la mieux mariée, celle qui meurt jeune mariée. Séchez vos larmes, semez le romarin sur ce beau corps7, et selon la coutume, portez-la à l’église, dans ses plus beaux atours. Quoique, la folle nature nous invite tous à pleurer, les larmes de la nature sont cependant un objet de pitié pour la raison.

CAPULET. — Toutes les choses que nous avions ordonnées pour la joie, changeant d’office, prendront un caractère funèbre ; nos instruments sont changés en cloches mélancoliques, notre fêté nuptiale devient une triste fête des funérailles ; nos hymnes solennels sont changés en sombres glas de mort, nos fleurs de fiançailles vont servir pour un ensevelissement, et toutes choses sont transformées en leurs contraires.

LE FRÈRE LAURENT. — Rentrez, Messire, — et vous, Madame, rentrez avec lui ; — allez, vous aussi, Messire Paris ; — que chacun se prépare à suivre ce beau corps, à son tombeau : les cieux vous regardent avec courroux pour quelque péché ; ne les irritez pas davantage en contrariant leur-souveraine volonté. (Sortent Capulet, Madonna Capulet, Paris et le Frère.)

PREMIER MUSICIEN. — Sur ma foi, nous pouvons fermer nos flûtes dans leurs étuis, et partir.

LA NOURRICE. — Mes honnêtes braves garçons, oui fermez-les, fermez-les ; car vous le voyez, les choses sont dans un triste état. (Elle sort.)

PREMIER MUSICIEN. — Oui, sur ma foi, les choses auraient fort besoin d’être raccommodées.

Entre PIERRE.

PIERRE. — Musiciens, holà, musiciens : l’air de gaieté du cœur, s’il vous plaît, gaieté du cœur ; si vous voulez que je revive, jouez-moi gaieté du cœur.

PREMIER MUSICIEN. — Pourquoi gaieté du cœur ?