Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cupé avec le fantôme, on ne voit pas comment Ophélia trouverait, dans son ignorance confiante et dans sa naïveté toute physique, des ressources suffisantes pour résister au prince de Danemark.

« Hamlet passe généralement pour un type assez vague, le type du rêveur métaphysique incapable d’action : il est un type en effet, mais il est aussi un homme en chair et en os, très-compliqué, très-ondoyant et très-divers, comme dirait Montaigne. C’est si bien un individu, — le prince Hamlet, — qu’on peut donner sur sa personne les renseignements les plus précis et les plus exacts : Goethe l’a fait en partie. Hamlet porte le deuil de son père. Il est à peine sorti de l’adolescence ; au moment où commence le drame il a de vingt-deux à vingt-quatre ans. Il a étudié à l’université de Wittenberg, et il n’y a pas encore achevé son cours d’études. Son amusement favori est l’escrime, mais il ne peut s’y livrer autant qu’il le voudrait, car il est un peu gros, et s’essouffle facilement. Il est blond comme un enfant du Nord ; son visage, jeune, cela va sans dire, est cependant prématurément fatigué, noble plutôt que beau. Ses manières sont froides, franches et discrètes, souvent aussi pleines de laisser-aller et de sans-façon. Pareil contraste dans son costume, qui est à la fois noblement sévère et négligé. Dans ses relations avec ses semblables, son caractère est un mélange de hauteur et de bonhomie, de candeur et de défiance. Il craint toujours d’être dupe : de là une certaine duplicité toute superficielle qu’il donne pour masque à sa franchise. Il est ordinairement muet, mais devant le monde et par contrainte, car il est plein d’effusion et il aime à s’épancher. Quand il parle, il parle beaucoup et longtemps, comme un homme à qui l’on n’a jamais coupé la parole, et que son rang place au-dessus de la contradiction. Parler est même son faible, et quoiqu’il soit exempt de vanité, il n’est pas sûr qu’il n’ait pas aimé le dilettantisme de la parole et le brillant déploiement de ses belles