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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/209

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de la grâce, parle-moi : — si tu as connaissance de quelque fatalité menaçante pour ton pays, qui, révélée d’avance, pourrait être détournée, oh ! parle ! — ou bien si pendant ta vie tu as caché dans le sein de la terre dès trésors extorqués, motif pour lequel, dit-on, vous esprits vous rôdez souvent au sein de la mort [2], parle-m’en : — arrête et parle ! (Le coq chante.) Arrête-le, Marcellus.

MARCELLUS. — Le frapperai-je de ma pertuisane ?

HORATIO. — Oui, s’il ne veut pas s’arrêter.

BERNARDO. — Il est ici !

HORATIO. — Il est là !

MARCELLUS. — Il est parti ! (Sort le Fantôme.) Nous agissons mal en faisant montre de violence envers cet être si majestueux ; car il est comme l’air invulnérable, et nos coups sont une plaisanterie aussi vaine que méchante.

BERNARDO. — Il allait parler lorsque le coq a chanté.

HORATIO. — Et alors il a décampé comme une créature coupable qui obéit à une sommation terrible. J’ai entendu dire que le coq qui est le trompette du matin, réveille le Dieu du jour de sa voix haute et perçante, et qu’à son signal, tout esprit errant et vagabond soit sur la mer ou dans le feu, soit sur la terre ou dans l’air, retourne à son domicile : de cette vérité, la présente apparition est la preuve [3].

MARCELLUS. — Elle s’est fondue au cri du coq. Il y en a qui disent que toujours à l’époque où est célébrée la naissance de notre Sauveur, cet oiseau de l’aube chante tout le long de la nuit : alors, dit-on, aucun esprit n’ose errer au dehors : pendant ces semaines-là les nuits sont salubres ; nulle planète n’a de mauvaise influence, nulle fée ne jette de charme, nulle sorcière n’a de pouvoir d’enchanter, si béni et si plein de grâce est ce moment de l’année.

HORATIO. — C’est ce que j’ai entendu dire aussi, et je le crois en partie. Mais, voyez, le matin, en manteau rouge brun, marche à travers la rosée sur cette haute colline qui est là-bas à l’Orient. Laissons là notre garde, et, si vous m’en croyez, allons rapporter au jeune Hamlet ce que nous avons vu cette nuit ; car sur ma vie, cet esprit