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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/222

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sais avec quelle prodigalité, lorsque le sang brûle, l’âme conduit les serments à la langue. Vous ne devez pas prendre pour du feu véritable, ma fille, ces lueurs qui donnent plus de clarté que de chaleur, et qui, perdant à la fois clarté et chaleur au moment même où elles les annoncent, s’éteignent aussi vite qu’elles sont nées. À partir de ce moment, ma fille, soyez un peu plus avare de votre virginale présence ; placez vos entretiens à un plus haut prix qu’une invitation à la causerie. Quant au Seigneur Hamlet, ce qu’il vous faut croire à son sujet, c’est qu’il est jeune, et qu’il peut marcher avec des lisières moins courtes que celles qui vous sont permises : bref, Ophélia, ne croyez pas à ses serments, car ce sont des entremetteurs ; non de la nuance de ceux qui montrent ouvertement ce qu’ils sont, mais des solliciteurs de profanes requêtes, qu’ils présentent comme des requêtes saintes et pieuses, afin de mieux tromper. Que cela soit dit une fois pour toutes ; en termes nets, à partir de ce moment, je désirerais vous voir éviter de faire de votre plus petit moment de loisir un aussi mauvais usage que celui de parler ou d’échanger des promesses avec le Seigneur Hamlet. Faites-y attention, je vous y engage : allez à vos occupations.

OPHÉLIA. — J’obéirai, Monseigneur. (Ils sortent.)

SCÈNE IV.

L’esplanade.
Entrent HAMLET, HORATIO et MARCELLUS.

HAMLET. — L’air pique rudement ; il fait très-froid.

HORATIO. — Oui, l’air est âpre et mordant.

HAMLET. — Quelle heure est-il ?

HORATIO. — Bien près de minuit, je crois.

MARCELLUS. — Non, il a sonné.

HORATIO. — Vraiment ? Je ne l’ai pas entendu : en ce cas nous approchons de l’heure où le spectre a l’habitude de faire son apparition. (Bruit de trompettes et dé