Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/262

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n’est besoin que vous nous répétiez ce que le Seigneur Hamlet vous a dit ; nous avons tout entendu. — Monseigneur, faites ce qui vous plaira ; mais si vous le trouviez bon, vous devriez après la représentation laisser la reine sa mère seule avec lui pour’qu’elle le supplie de lui dévoiler son chagrin : qu’elle y aille rondement avec lui ; et moi, si cela vous plaît y je me placerai à portée d’entendre toute leur conversation. Si elle ne parvient pas à le faire expliquer, envoyez-le en Angleterre, ou reléguez-le là où votre sagesse le jugera le plus convenable.

LE ROI. — C’est ce que nous ferons : la folie chez les grands ne doit pas être laissée sans surveillance. (Ils sortent.)

SCÈNE II.

Une salle dans le château.
Entrent HAMLET et quelques COMÉDIENS.

HAMLET. — Prononcez le discours, je vous en prie, comme je vous l’ai déclamé, d’une langue agile : mais si vous le mâchonnez, comme beaucoup de vos comédiens ont coutume de faire, j’aimerais autant que le crieur public de la ville récitât mes vers. Ayez soin aussi de ne pas trop scier l’air avec votre main, comme cela ; mais comportez-vous en tout avec modération : car même au milieu du torrent, de la tempête, et, si je puis le dire, du tourbillon de votre passion, vous devez garder et observer une mesure qui tempère l’orage. Ô cela me blesse jusqu’à l’âme d’entendre un robuste gaillard, la tête emperruquée, mettre une passion en pièces, en véritables loques, et déchirer les oreilles des gens du parterre, qui pour la plupart ne sont capables de rien comprendre si ce n’est les pantomimes inintelligibles, ou bien le bruit : je voudrais qu’un tel gaillard fût fouetté pour exagérer même le Termagant [1] ; un tel gaillard exhérode-Hérode lui-même [2] : je vous en prie, évitez ces excès.