Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/277

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

HAMLET. — Voyez-vous là-bas ce nuage qui a presque, là forme d’un chameau ?

POLONIUS. — Par la messe, c’est, en effet, tout à fait un chameau.

HAMLET. — Il me semble que c’est une belette.

POLONIUS. — Il a le dos comme une belette.

HAMLET. — Ou comme une baleine.

POLONIUS. — Tout à fait comme une baleine.

HAMLET. — Eh bien, je vais aller tout de suite trouver ma mère. (À part.) Ils finiront par me rendre fou réellement à force de me contraindre à jouer ce rôle — (Haut.) J’y vais à l’instant.

POLONIUS. — Je vais le lui dire.

HAMLET. — À l’instant est facile à dire. (Sort Polonius.) Laissez-moi, mes amis. (Sortent Rosencrantz, Guildenstern et les comédiens.) Maintenant il est l’heure des sortilèges nocturnes, l’heure où les cimetières baillent leurs morts, et où l’enfer en personne souffle la contagion sur ce monde ; en ce moment-ci je pourrais boire du sang chaud, je pourrais exécuter une besogne cruelle à faire pâlir la lumière si elle était exécutée de jour. Doucement ! allons trouver ma mère. — Ô mon cœur, ne perds pas ta nature ; que jamais l’âme de Néron n’entre dans cette ferme poitrine : soyons cruel, non dénaturé ; ma bouche lancera des poignards, mais mes mains n’en emploieront aucun. Ma langue et mon âme, soyez hypocrites dans cette entrevue ; — quelque cruellement que mes paroles la menacent, ô mon âme, ne consens à leur donner jamais le sceau de l’exécution ! (Il sort.)

SCÈNE III.

Un appartement dans le château.
Entrent LE ROI, ROSENCRANTZ et GUILDENSTERN.

LE ROI. — Il me déplaît, et d’ailleurs il n’est pas prudent à nous de laisser le champ libre à sa folie. Par con-