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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/278

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séquent préparez-vous ; je vais sur-le-champ vous rédiger votre commission, et il ira en Angleterre avec vous : les exigences de notre gouvernement ne peuvent s’arranger de hasards aussi dangereux que ceux que ses lubies enfantent à toute heure.

GUILDENSTERN. — Nous allons faire nos dispositions : elle est-très-sainte et très-religieuse la sollicitude qui cherche à protéger la sécurité de tant et tant de milliers d’hommes qui vivent et travaillent sous la garde de Votre Majesté.

ROSENCRANTZ. — Chaque simple particulier a le droit d’employer toute sa force et toute sa trempe d’âme à se défendre contre le danger ; combien plus a-t-il ce droit celui de qui dépendent et sur qui reposent les existences de tant d’individus ? À son trépas, la majesté royale ne meurt pas seule ; mais comme un gouffre, elle entraîne avec elle tout ce qui est près d’elle : c’est une roue colossale placée au sommet de la plus haute montagne ; dans ses vastes rayons sont enchâssées et attachées dix mille choses plus petites, et lorsqu’elle tombe, toutes ces petites annexes, toutes ces chétives dépendances accompagnent la ruine bruyante. Jamais le roi ne soupira que le peuple en masse ne gémît.

LE ROI. — Préparez-vous, je vous en prie, pour ce voyage précipité ; car nous mettrons des fers à ce danger qui marche maintenant d’un pied trop libre.

ROSENCRANTZ et GUILDENSTEKN. — Nous allons faire toute diligence. (Ils sortent.)

Entre POLONIUS.

POLONIUS. — Monseigneur, il se rend à l’appartement de sa mère : je vais m’embusquer derrière la tapisserie pour entendre la conversation. Elle va le tancer vertement, j’en répondrais : mais comme vous l’avez dit, et sagement dit, il est bon qu’une autre personne qu’une mère, partiale par nature, puisse entendre en tapinois ce que le hasard de la conversation révélera. Adieu, mon Suzerain : je viendrai vous retrouver avant d’aller au lit, et je vous rapporterai ce que j’aurai appris.