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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/360

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voudra s’en convaincre de jeter les yeux sur quelques-unes des productions du théâtre anglais au temps de Shakespeare : la Tragédie du Yorhshire, la Sorcière d’Editionton, le Combat contre nature, le Fatal Douaire. Triais ce sujet qui ne pouvait rendre qu’un mélodrame, Shakespeare a su l’élever par son art jusqu’à la tragédie, ou pour mieux dire, : il a su en tirer un genre original de tragédie où la simplicité s’unit à l’élévation, et la bonhomie des peintures à la grandeur des passions. Quand on vous dira que la tragédie n’est pas capable de "peintures familières et domestiques, et qu’elle ne saurait sans déroger quitter les appartements des rois et la compagnie des liéros, répondez hardiment par l’exemple d’Othello. Quelque relevée que soit la condition des principaux personnages, est-ce que les peintures d’Othello ne vous reportent pas a une vie bourgeoise comme celle de nos ménages ? N’avez-vous pas au premier acte là vision rapide de l’intérieur domestique de Brabantio ? Ne partagez-voùs pas pendant tout le reste du drame la vie intime d’Othello et de Desdémona ? Ne suivez-vous pas les époux dans leurs promenades ? Ne vous asseyez-vous pas avec eux dans la salle, de leurs repas ? N’entrez-vous pas dans leur chambre à coucher ? Ne connaissez-vous pas par le menu tous les détails de leur habitation, et la domesticité de la maison ne vous est-elle pas familière ? Les incidents qui amènent les péripéties du drame ne sont-ils pas ceux de la vie de tous les jours, une visite fâcheuse, un mouchoir perdu, une légèreté de femme de chambre, un mot, à sens incertain, prononcé par un méchant ? Othello prouve donc de la manière la plus irréfragable que la tragédie peut sans déroger s’associer à la vie privée, et descendre sans s’abaisser jusqu’aux simples mortels ; il faut reconnaître néanmoins que cette exception est à peu près unique dans le royaume de l’art. Shakespeare a fait à la réalité une vaste place dans tousses drames il-est vrai ; mais il ne l’y a introduite que par parties,