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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/386

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chère absence un trop lourd intérim. Laissez-moi partir avec lui.

OTHELLO. — Votre assentiment, Seigneurs ; je vous en conjure, que son désir lui soit accordé. Le ciel m’en soit témoin, ce n’est point pour flatter l’appétit de ma passion, ce n’est point pour ma satisfaction personnelle, ni pour assouvir mon ardeur dont les jeunes transports sont maintenant calmés, que je vous adresse cette demande, mais pour répondre à son vœu avec empressement et amour. Le ciel défende aussi que vos vertueuses Seigneuries pensent que je négligerai vos sérieuses et grandes affaires parce qu’elle sera avec moi : non, si jamais les jeux légers de Cupidon ailé engourdissent dans une langueur voluptueuse mes facultés de pensée et d’action, au point que mes plaisirs altèrent et corrompent mes devoirs, que les ménagères fassent une écuelle de mon casque, et que tous les guignons honteux et vils fassent échec à ma renommée !

LE DOGE. — Qu’il en soit pour son séjour ou son départ, comme vous le déciderez vous-mêmes : l’affaire réclamé urgence, et la promptitude doit lui, répondre.

PREMIER SÉNATEUR. — Il vous faut partir cette nuit.

OTHELLO. — De tout mon cœur.

LE DOGE. — Nous nous réunirons ici de nouveau à neuf heures du matin. Othello, laissez derrière vous quelqu’un de vos officiers, et il vous portera notre commission, avec toutes les autres ordonnances de titres et de commandement qui vous concernent.

OTHELLO. — S’il plaît à Votre Grâce, je laisserai mon enseigne ; c’est un homme honnête et sûr ; je lui remets, le soin d’accompagner ma femme, et de me porter tout ce que votre vertueuse Grâce jugera nécessaire de m’envoyer.

LE DOGE. — Soit. Bonne nuit à tous. (À Brabantio.) Noble Signor, s’il est vrai que la vertu n’est jamais sans un charme de beauté, votre gendre est bien plus beau qu’il n’est noir.