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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/429

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quelque preuve : son nom qui était aussi frais que le visage de Diane, est maintenant aussi barbouillé et aussi noir que mon propre visage. — S’il y a des cordes, des couteaux, des poisons, du feu, des rivières qui puissent noyer, je ne supporterai pas cela. — Que je voudrais avoir satisfaction !

IAGO. — Je vois, Seigneur, que vous êtes dévoré par la passion : je me repens de vous avoir jeté dans cet état. Vous voudriez avoir satisfaction ?

OTHELLO. — Je voudrais ! certes je le voudrais.

IAGO. — Et vous le pouvez : mais comment ? Comment voudriez-vous que fût cette satisfaction, Monseigneur ? voudriez-vous que le témoin, bouche béante, fût là bêtement à la regarder enjamber !

OTHELLO. — Mort et damnation ! oh !

IAGO. — Ce serait, je crois, une entreprise difficile et ennuyeuse que de les amener à se laisser surprendre ainsi : du diable si jamais d’autres yeux que les leurs les verront sur le traversin ! Eh bien alors, quoi ? comment faire ? que vous dirai-je ? où est la satisfaction ? Il est impossible que vous surpreniez une telle chose, quand bien même ils seraient aussi peu retenus que des boucs, aussi chauds que des singes, aussi brutaux que des loups effrontés, et aussi imprudemment sots que des ignorants naïfs en état d’ivresse. Mais, cependant, je vous le dis, si l’induction et de fortes circonstances qui conduisent directement aux portes de la vérité peuvent vous donner satisfaction, vous pouvez l’obtenir.

OTHELLO. — Donne-moi la preuve palpable qu’elle est déloyale.

IAGO. — Je n’aime pas cet office-là : mais puisque je suis entré si avant dans cette affaire, — piqué par la folie de l’honnêteté et par l’amitié, — j’irai plus loin encore. J’étais couché dernièrement avec Cassio, et commé je souffrais d’une rage de dents, je ne pouvais dormir. Il y a des gens qui ont l’âme si peu discrète, que dans leurs sommeils, ils marmottent de leurs affaires, et Cassio est de ceux-là. Je l’entendis qui disait en dormant :