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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/434

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DESDÉMONA. — Voici, mon Seigneur.

OTHELLO. — Celui que je vous ai donné.

DESDÉMONA. — Je ne l’ai pas ; sur moi.

OTHELLO. — Non ?

DESDÉMONA. — Non, en vérité, mon Seigneur.

OTHELLO. — C’est une faute. Une Égyptienne donna ce mouchoir à ma mère ; c’était une magicienne, et elle pouvait presque lire les pensées des personnes : elle dit à ma mère, que tant qu’elle le conserverait, il la rendrait aimable, et soumettrait entièrement mon père à son autour ; mais que, si, elle le perdait, ou que si elle le donnait, l’œil de mon père se détournerait d’elle avec, exécration, et que son âme se mettrait en chasse de nouvelles fantaisies. En mourant, elle me le donna, et me recommanda, lorsque ma destinée voudrait que je me mariasse, de le donner à ma femme. C’est ce que j’ai fait, et ayez-en grand soin ; chérissez-le comme la prunelle : précieuse de vos yeux ; l’égarer ou le donner serait une telle perte que rien ne pourrait l’égaler.

DESDÉMONA. — Est-ce possible ?

OTHELLO. — C’est la vérité : il y a de la magie dans son tissu : une sibylle qui avait vu le soleil accomplir deux cents de ses voyages tissa cette toile dans sa fureur prophétique ; les vers qui produisirent la soie avaient été enchantés, et cette soie.fut teinte dans de l’essence de momie provenant de cœurs de jeunes filles et conservée par des savants [12].

DESDÉMONA. — Vraiment ! est-ce exact ?

OTHELLO. — Très-véritable, par conséquent ayez-en grand soin.

DESDÉMOKA. — Alors plût au ciel que je ne l’eusse jamais vu !

OTHELLO. — Ah ! pourquoi ?

DESDÉMONA. — Pourquoi parlez-vous ainsi précipitamment et comme transi ?

OTHELLO. — Est-ce qu’il est perdu ? est-ce que vous ne l’avez plus ? parlez, est-il égaré ?

DESDÉMONA. — Le ciel nous bénisse !