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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/438

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d’absence d’un amant sont plus ennuyeuses cent soixante fois que le cadran ! Oh ! qu’elles sont fatigantes à compter !

CASSIO. — Pardonnez-moi, Bianca ; j’ai été tout ce temps-là accablé de pensées de plomb, mais je réglerai ce compte d’absence par des visites plus assidues. Aimable Bianca, copiez-moi ce modèle-ci. (Il lui donne le mouchoir de Desdémona.)

BIANCA. — Ô Cassio, d’où cela vient-il ? c’est quelque cadeau d’une nouvelle amie : maintenant je comprends la cause de cette cruelle absence. Ah ! les choses en sont là ? bien, bien.

CASSIO. — Allons donc, femme ! jetez-moi au visage du diable, qui vous les a données, vos viles suppositions. Voilà que vous êtes jalouse, parce que vous supposez que c’est un souvenir de quelque maîtresse. Non, sur ma ’ bonne foi, Bianca.

BIANCA. — Eh bien alors, d’où cela vient-il ?

CASSIO. — Je n’en sais rien non plus : je l’ai trouvé dans ma chambre. J’aime beaucoup cet ouvrage, et avant, qu’il soit réclamé, — comme il est assez probable qu’il le sera, — je voudrais en avoir une copie : prenez-le, et faites cela ; et laissez-moi pour l’instant.

BIANCA. — Vous laisser ! pourquoi ?

CASSIO. — J’attends ici le général, et ce n’est ni mon intérêt, ni mon désir qu’il me voie avec une femme.

BIANCA. — Pourquoi, je vous prie ?

CASSIO. — Ce n’est point parce que je ne vous aime pas.

BIANCA. — Mais c’est parce que vous n’aimez pas moi. Je vous en prie, conduisez-moi un bout de chemin, et dites-moi si je vous verrai ce soir.

CASSIO. — Je ne puis pas vous conduire bien loin, car il faut que j’attende ici : mais je vous verrai bientôt.

BIANCA. — C’est bon ; il faut bien que je cède à la circonstance. (Ils sortent.)