Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/437

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est tout à fait ainsi ; ayons mal au doigt, et ce mal va communiquer, aux autres membres qui sont sains une sensation de souffrance. Certainement nous devons penser que les hommes ne sont pas des dieux, et nous ne devons pas nous attendre toujours à ces égards qui sont bons pour le jour des noces. — Gronde-moi bien fort, Emilia ; vilaine guerrière que je suis, j’étais en train d’accuser sa dureté devant le tribunal de mon âme, mais maintenant je vois que j’avais suborné le témoin, et qu’il est faussement accusé.

ÉMILIA. — Prions le ciel que ce soient des affaires d’état, comme vous le pensez, et non pas quelque lubie ou quelque sottise de jalousie vous concernant.

DESDÉMONA. — Hélas ! bon Dieu, je ne lui en ai jamais donné motif !

ÉMILIA. — Mais les âmes jalouses ne se payent pas de cette innocence ; elles ne sont pas toujours jalouses par raison, elles, sont jalouses parce qu’elles sont jalouses : la jalousie est un monstre qui s’engendre de lui-même et qui naît de lui-même.

DESDÉMONA. — Le ciel préserve l’âme d’Othello de ce monstre !

EMILIA. — Amen, Madame !

DESDÉMONA. — Je vais aller Je chercher. — Cassio, faites un tour de promenade par ici ; si je le trouve en bonnes dispositions, jeplaiderai votre cause, et je m’efforcerai ; de tout mon pouvoir de la gagner.

CASSIO. — Je remercie humblement Votre Grâce. (Sortent Desdémona et Émilia.)

Entre BIANCA.

BIANCA. — Dieu vous garde, ami Cassio !

CASSIO. — Que faites-vous donc dehors ? Comment allez-vous, ma très-belle Bianca ? Sur ma foi, mon doux amour, j’allais de ce pas chez vous.

BIANCA. — Et moi j’allais à votre logement, Cassio. Comment ! ne pas venir de toute une semaine ? sept jours et sept nuits ? cent soixante-huit heures ? Et les heures