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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/461

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DESDÉMONA, — Je ne crois pas qu’il existe une telle femme.

EMILIA. — Qui, il en existé par douzaines, et autant encore par-dessus le marché qu’il en faudrait pour peupler le monde pour lequel elles auraient joué. Mais je crois que lorsque les femmes tombent, c’est la faute de leurs maris : car, ou bien ils se relâchent de leurs devoirs et versent nos trésors dans des girons étrangers ; ou bien ils éclatent en jalousies mesquines, en nous imposant des contraintes ; ou bien ils nous battent, et rognent par malice nos ressources pécuniaires ; en parbleu ! nous avons, du venin, et quoique nous possédions certaine grâce, nous ne sommes pas sans esprit de vengeance ; Que les maris sachent que leurs femmes ont des sens comme eux : elles voient, et flairent, et ont des palais capables de distinguer ce qui est doux et ce qui est aigre tout comme leurs maris. Qu’est-ce qu’ils font lorsqu’ils nous changent contre d’autres ? est-ce par plaisir ? je crois que oui : est-ce l’affection qui-les pousse ? je crois que oui aussi ; est-ce la fragilité qui erre de cette façon ? c’est aussi cela : — hé bien, est-ce que nous n’avons pas affections, désirs de plaisir, fragilité, tout comme les hommes ? Ainsi donc qu’ils nous traitent bien ; ou bien qu’ils sachent que les péchés que nous commettons, ce sont leurs péchés qui nous les enseignent.

DESDÉMONA. — Bonne nuit, bonne nuit : que le ciel m’accorde des mœurs qui me permettent non de tirer le mal du mal, mais de me corriger par le mal ! (Elles sortent.)