Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
63
ACTE I, SCÈNE II.

JULIETTE. — Je t’ai donné le mien avant que lu l’eusses demandé, et cependant je voudrais qu’il fût encore à donner.

ROMÉO. — Voudrais-tu donc le retirer ? Pourquoi cela, mon amour ?

JULIETTE. — Simplement pour être libérale et te le donner encore. Cependant, ce que je souhaite, c’est ce que je possède : ma générosité est aussi illimitée que la mer ; mon amour aussi profond ; plus je te donne, plus je possède, car tous deux sont infinis. (La nourrice appelle de l’intérieur.) J’entends du bruit là dedans ; adieu, mon cher amour ! — Tout à l’heure, ma bonne nourrice ! - Aimable Montaigu, sois fidèle. Attends seulement quelques minutes, je vais revenir. (Elle se retire de sa fenêtre.)

ROMÉO. — Ô heureuse, heureuse nuit ! Je crains, puisqu’il fait nuit, que tout ceci ne soit qu’un rêve, car c’est trop délicieux pour être réel.

JULIETTE reparaît à sa fenêtre.

JULIETTE. — Trois mots, mon cher Roméo, et puis bonne nuit, cette fois. Si le caractère de ton amour est honorable, si ton but est le mariage, fais-moi porter dé-, main par une personne que je saurai renvoyer un mot qui m’apprenne où et quand tu veux que la cérémonie s’accomplisse, et je déposerai à tes pieds toute ma destinée, et je te suivrai à travers le monde entier comme mon Seigneur.

LA NOURRICE, de l’intérieur. — Madame !

JULIETTE. — J’y vais ; tout à l’heure. — Mais si tu n’as pas de bonnes intentions, je te conjure....

LA NOURRICE, de l’intérieur. — Madame !

JULIETTE. — À l’instant, j’y vais : — je te conjure, en ce cas, de cesser tes poursuites, et demie laisser à ma douleur. J’enverrai demain.

ROMÉO. — Comme j’espère le salut de mon âme....

JULIETTE. — Mille fois bonne nuit ! (Elle se relire de la fenêtre.)