Aller au contenu

Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1872, tome 9.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
69
ACTE I, SCÈNE II.

MERCUTIO. — Tout homme qui sait écrire peut répondre à une lettre.

BENVOLIO. — Certes, il répondra à l’auteur de la lettre dans son propre style ; étant défié, il défiera.

MERCUTIO. — Hélas ! pauvre Roméo, il est déjà mort ! poignardé, par l’œil noir d’une fille blanche, fusille à travers l’oreille par un chant d’amour, percé au centre de son cœur parla flèche du petit archer aveugle, est-ce là un homme à affronter Tebaldo ?

BENVOLIO. — Bah ! qu’est-ce donc que Tebaldo ?

MERCUTIO. — Plus que le prince des chats, je vous le déclare5. Oh ! c’est le courageux capitaine des lois du savoir-vivre : il se bât comme vous chantez la, musique,garde ses temps, ses distances, ses mesures ; vous.prend un repos d’un soupir, — une, deux, et la troisième en pleine poitrine : c’est le vrai boucher des boutons de soie, un duelliste, un duelliste ; un gentilhomme de la tout à fait première catégorie, un maître en première et seconde causes : ah ! l’immortelle passade ! ah le punto reverso ! ah ! le touché6!

BENVOLIO. — Le quoi ?

MERCUTIO. — La peste de, ces grotesques fantasques pleins de zézaiements et d’affectations, qui vous ont.de nouvelles manières de poser les accents ! « Par Jésus, une excellente lame ! un très-bel homme ! une exquise putain ! » Parbleu, grand-père, n’est-ce pas une chose lamentable que nous soyons affligés de la sorte par ces mouches étrangères, ces débitants de modes nouvelles, ces pardonnez-moi, qui se mettent des culottes de nouvelle forme si collantes qu’ils né peuvent plus s’asseoir à l’aise sur les vieux bancs ? Oh ! leurs bons, leurs bons !

BENVOLIO. — Voici venir Roméo ; voici venir Roméo.

MERCUTIO. — Jaune et sec comme un hareng saur. Ô chair, ô chair, comme te voilà poissonnifiée ! Maintenant il est jusqu’au cou dans le genre de poésie que cultiva Pétrarque : Laure, comparée à sa Dame, était une marmitonne ; parbleu, elle avait un plus habile amant pour la chanter : Didon n’était qu’une dondon ; Cléopâtre, une