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ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

s’éveille. Elle s’aperçut de ce glorieux changement, et sentit dans son entendement affranchi s’ouvrir de toutes parts de nouveaux ravissements ; chaque rêverie du jour de sa vie mortelle, chaque vision délirante des sommeils qui avaient clos une journée bien remplie, semblaient maintenant se réaliser !

La Fée et l’Âme se mirent en mouvement ; les nuages d’argent s’écartèrent ; et comme elles montaient sur le char magique, de nouveau l’ineffable musique se fit entendre ; puis les coursiers aériens déployèrent leurs ailerons d’azur, et la Fée, secouant les rênes irradiantes, leur ordonna de poursuivre leur route.

Le char magique avançait… La nuit était belle, et des astres sans nombre parsemaient la voûte bleu sombre du ciel. Justement au-dessus des vagues orientales commençait à poindre le premier faible sourire du matin… Le char magique avançait… Sous les sabots éthérés l’atmosphère volait en étincelles de flamme, et sur le sentier des roues embrasées, tournant au-dessus du pic le plus élevé des montagnes, était tracée une ligne d’éclairs. Maintenant il volait bien loin au-dessus d’un roc, la dernière arête de la terre, le rival des Andes, dont le noir sourcil s’assombrissait au-dessus de la mer d’argent.

Bien, bien au-dessous du sentier du char, calme comme un enfant endormi, le formidable Océan s’étendait. Son calme miroir reflétait les pâles et défaillantes étoiles, la trace enflammée du char et la grise lumière du matin colorant les nuages floconneux qui faisaient un dais à l’aurore. Il semblait que le chemin du char s’ouvrait à travers le milieu d’une immense voûte, rayonnante de millions de constellations, teinte de