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ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

Ô toi, impérissable comme cette scène, c’est ici qu’est ton vrai temple !

II

Si la solitude a jamais conduit tes pas au rivage plein d’échos du sauvage Océan, si jamais tu y as séjourné jusqu’à l’heure où le large orbe du soleil semblait se reposer sur la vague brunie, tu dois avoir remarqué les lignes d’or pourpre, qui, sans mouvement, restaient suspendues sur la sphère qui sombre ; tu dois avoir remarqué les nuages houleux, frangés d’un insoutenable rayonnement, se dressant comme des rocs de jais, couronnés de guirlandes de diamants. Et cependant il y a un moment où le point le plus élevé du soleil n’apparaît plus que comme une étoile, sur le bord occidental de l’Océan, où ces nuages d’or floconneux, ombrés d’une pourpre plus profonde, brillent au loin comme des îles sur le bleu sombre de la mer ; alors ta fantaisie a pris son essor au-dessus de la terre, et a ferlé son aile fatiguée dans le sanctuaire de la Fée.

Mais ni les îles d’or étincelant dans cette inondation de lumière, ni les rideaux floconneux tendus sur la brillante couche du soleil, ni les vagues de l’Océan bruni, qui pavent ce dôme splendide, ne pourraient offrir une vision aussi belle, aussi merveilleuse que le palais éthéré de Mab*. Cependant, il ressemble parfaitement à la voûte du soir, ce palais féerique ! Comme le ciel, appuyé sur la vague, il déployait ses parquets d’éblouissante lumière, son vaste dôme d’azur, ses fécondes îles d’or flottant sur une mer d’argent ; pendant que des soleils dardaient leurs rayons confondus à travers les nuages des ténèbres environnantes, et que