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REINE MAB

les créneaux de perle dominaient de toutes parts l’immensité du Ciel.

Le char magique s’était arrêté. La Fée et l’Esprit entrèrent dans la salle des Enchantements ; les nuages d’or, qui roulaient en vagues étincelantes sous le dais d’azur, ne tremblèrent pas sous leurs pas éthérés ; les brumes lumineuses et vermeilles, flottant aux accords de la pénétrante mélodie, à travers ce séjour qui n’a rien de la terre, obéissaient au moindre mouvement de leur volonté. Sur leur ondulation passive l’Esprit s’appuya, sans user, pour jouir des béatitudes variées qui se pressaient autour de lui, du glorieux privilège de la vertu et de la sagesse.

« Esprit ! » dit la Fée, en lui montrant le splendide dôme, « voici un spectacle prodigieux, et qui se rit de toute grandeur humaine. Mais si la vertu n’avait d’autre récompense que d’habiter un palais céleste, tout abandonnée aux impulsions du plaisir, et murée dans la prison de son propre être, la volonté de l’immuable nature ne serait point accomplie. Apprends à rendre les autres heureux… Viens, Esprit ! C’est là ta haute récompense !… Le passé va se dresser devant toi ; tu verras aussi le présent ; et je t’enseignerai les secrets de l’avenir. »

La Fée et l’Esprit s’approchèrent du créneau plongeant… Au dessous, gisait l’univers étendu ! Là, jusqu’à la ligne la plus reculée qui peut limiter le vol de l’imagination, des orbes innombrables et sans fin enchevêtraient leurs mouvements compliqués, obéissant immuablement à l’éternelle loi de la nature. Au dessus, au dessous, dans toutes les directions, les systèmes formaient en tournant un désert d’harmonie ; chacun allant sans dévier