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ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

joie en sentant le froid de l’acier sacré dans leurs entrailles déchirées !

« Religion ! Tu arrivas alors à l’aurore de la maturité. Puis la vieillesse vint ; un seul Dieu ne pouvait suffire à ta sénile puérilité. Tu composas alors un conte s’adaptant à ton radotage et propre à assouvir l’âme altérée de misère. Tu racontas que le furieux démon inventé par ta perversité pouvait donner un moyen d’apaiser la soif dénaturée de meurtre, de rapine, de violence et de crime qui consumait toujours ton être, alors même que lu entendais les pas du fatal Destin ; que les flammes pourraient éclairer la scène funèbre, et que les horribles râles des pères mourant sur le bûcher qui devait servir de flambeau à leurs enfants, le rugissement des flammes amoncelées, les cris de triomphe de tes apôtres, mêlés dans un retentissant concert, pourraient rassasier ton oreille affamée, même sur ton lit de mort !

« Mais maintenant le mépris se rit de tes cheveux blancs ; voilà que tu descends au ténébreux tombeau, sans honneur et sans pitié, excepté de la part de ceux dont l’orgueil passe comme le tien, et ne jette plus, comme le tien, qu’une faible lueur qui s’évanouit devant le soleil de la vérité, et ne brille plus que dans la formidable nuit étendue depuis si longtemps sur les ruines du monde.

« À travers ces orbes infinis de lumière entrelacée, dont la terre est un, est répandu au loin un esprit d’activité et de vie qui ne connaît ni terme, ni cessation, ni décadence ; qui ne s’évanouit point quand la lampe de la vie terrestre, éteinte dans l’humidité du tombeau, y sommeille pour un temps, pas plus que quand l’enfant dans l’obscure aurore de son être sent les impulsions