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REINE MAB

travers les siècles amassés, aura descendu le courant souillé des âges, tu vivras immuable ! Il y a un sanctuaire élevé pour toi, que ni le souffle orageux du temps, ni l’incessante inondation qui roule sur le spectacle mesquin de la terre ne parviendront à détruire : l’étendue sensitive du monde ; ce merveilleux et éternel temple, où peine et plaisir, bien et mal, s’unissent pour accomplir la volonté de l’impérieuse Nécessité ; — et la vie sous ses innombrables formes, aspirant sans cesse à quelque chose qui ne peut avoir de terme, comme une flamme affamée et sans repos, s’enroule autour des éternelles colonnes de son immutabilité. »

VII

L’ESPRIT

« J’étais un enfant, quand ma mère alla voir brûler un athée. Elle m’y conduisit. Les prêtres vêtus de noir étaient réunis autour du bûcher ; la multitude regardait en silence ; le coupable passa avec un visage intrépide : dans ses yeux sereins un dédain tempéré, se mêlant à un doux sourire, brillait avec calme… Le feu altéré rampa autour de ses membres virils ; bientôt ses yeux résolus furent aveuglés par la flamme ; l’angoisse de sa mort déchira mon cœur… La foule insensée poussa un cri de triomphe, et moi, je pleurai… Ne pleure pas, enfant, me cria ma mère, car cet homme a dit : Il n’y a pas de Dieu ! »

LA FÉE

« Il n’y a pas de Dieu ! — La Nature confirme la foi qu’a scellée l’angoisse de la mort. Laisse le ciel et la terre, laisse la race éphémère de l’homme, ses généra-