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REINE MAB 57

« Esprit ! à travers le sens qui a révélé à ta nature interne les apparences extérieures, de vagues rêves ont roulé, et des réminiscences variées ont évoqué des tai3lcttcs à jamais ineffaçables ; là, toutes choses ont été imprimées, les astres, la mer, la terre, le ciel ; jusqu’aux traits les plus informes des plus étranges et plus fugitives visions y ont été enregistrés, pour rendre témoignage de la terre.

« C’est là mon empire ; car il m’a été donné de veiller sur les prodiges du monde humain, et de prêter aux légères créations de l’imagination une forme, un être, une réalité ; je veux donc évoquer, des rêves de l’obtuse et aveugle foi des erreurs humaines , un prodigieux fantôme, qui répondra à tes questions.

« Ahasvérus, apparais ! »

Un personnage étrange, né pour la douleur, apparut près du créneau, et s’y tint immobile. Sa figure sans réalité ne jetait point d’ombre sur le parquet d’or. Son port et ses traits présentaient la trace de nombreuses années, et des chroniques d’une antiquité fabuleuse étaient lisibles dans son œil sans rayon. Cependant sa joue portait la marque de la jeunesse ; fraîcheur et force composaient sa mâle charpente ; la sagesse des années accumulée s’y mêlait avec l’intrépidité primitive de la jeunesse ; et d’inexprimables gémissements, atténués par une résignation sans crainte, donnaient une grâce terrible à son front révélateur.

L'ESPRIT « Y a-t-il un Dieu ?

AHASVERUS

« Y a-t-il un Dieu ? — Oui, un Dieu tout-puissant,