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REINE MAB 63

sanctuaire de moi-même , me moquant de l’horrible malédiction de mon impuissant tyran, avec une obstinée et inébranlable volonté ; semblable à un chêne géant, que le terrible feu du ciel a fracassé dans la solitude, pour être un monument d'impérissable ruine ; — cependant, tranquille et immobile, il brave le nocturne conflit de l'ouragan d'hiver, comme dans le calme du soleil il étend vers le ciel ses bras consumés et flétris, pour goûter le repos d’un midi d’été. »

La Fée agita sa baguette ; Ahasverus disparut, aussi rapidement que les formes de l’ombre et du brouillard confondus, cachées en embuscade dans les vallons d’un sombre bosquet, fuient devant le rayon du matin : la matière dont les rêves sont faits n’est pas plus douée de vie réelle que cette fantastique image de la pensée humaine errante.

YIII

« Tu as vu le Présent et le Passé, un spectacle désolé ! Maintenant, Esprit, apprends les secrets de l’Avenir.

— Temps ! déploie l’aile qui couve les destinées sous son ombre ; rends à la lumière tes enfants à demi dévorés, et des berceaux de l’éternité où des raillions d’êtres dorment le sommeil qui leur est dévolu, bercés par le profond murmure du courant des choses qui passent, arrache ce sombre linceul. — Esprit, contemple ta glorieuse destinée ! »

La joie pénétra l’Esprit. Par la large déchirure faite au voile éternel du Temps, l’Espérance apparut, rayonnante à travers les brumes de la crainte. La Terre n’était plus un enfer ; amour, liberté, santé, avaient donné leurs trésors à la virilité de son printemps, et toutes ses pul-