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74 œUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

cachot. Les lourdes chaînes , les pesantes grilles de fer se rouillèrent au milieu des monceaux de pierres brisées, se confondant lentement avec la terre dont elles étaient sorties ; le large rayon du jour, qui autrefois éclairait si faiblement la joue de la maigre Captivité d’une pâle et chétive lueur, alors étincela librement sur les purs sourires de la folâtrerie enfantine. On n’entendit plus la voix frémissante du rauque Désespoir faire retentir les échos des voûtes ; mais les notes caressantes des brises jouant dans le lierre et des joyeux oiseaux résonnèrent gaiement tout à l’entour. Ces ruines bientôt ne laissèrent pas un débris derrière elles ; leurs éléments,

disséminés au loin sur le globe, se moulèrent 

pour de plus heureuses formes, et se mirent au service de toutes les impulsions du bonheur. Ainsi les choses humaines arrivèrent à la perfection ; et la terre, comme un enfant sous l’amour de sa mère, grandit dans toute excellence, et avec chaque année écoulée devint [)lus belle et plus noble.

« Maintenant le Temps ferme ses sombres ailes sur la scène ; elle rentre dans une impénétrable obscurité, et l’avenir disparait à nos regards charmés. — Ma tâche est achevée : ta science est complète. Les prodiges de la terre sont à loi, avec toute la crainte et toute l’espérance qu’ils contiennent. Mes enchantements sont épuisés ; le présent reparaît. Hélas ! Un désert inexploré reste encore à soumettre à la main réparatrice de l’homme.

« Pourtant, Esprit humain, poursuis bravement la course. Que la vertu t’enseigne à suivre fermement les sentiers graduels du progrès : car la naissance et la vie et la mort, et cet étrange état où l’âme nue n’a pas en-