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REINE MAB 75

core trouvé sa demeure, tendent également au parfait bonheur, et poussent dans leur chemin les roues infatigables de l'être, dont les rayons étincelants, animés d'une vie infinie, frémissent et brûlent d’atteindre leur but marqué par le destin. La naissance ne fait qu’éveiller l'esprit à la sensation des choses extérieures, afin que leurs formes inconnues puissent prêter à sa nature de nouveaux modes de passion. La vie est pour lui l’état d’action, et toutes les combinaisons d’événements qui font la variété de l’éternel univers s’y trouvent réunies. La mort est une porte d’horreur et de ténèbres qui mène aux iles azurées, aux cieux rayonnants, aux heureuses régions de l’éternelle espérance. Ainsi, ô Esprit ! avance sans crainte. L’orage peut briser la primevère sur sa tige, la gelée flétrir la fraîcheur de ses pétales ; mais l’haleine éveillante du printemps n’en caressera pas moins la terre, pour nourrir de ses plus douces rosées sa fleur favorite, qui s’épanouit dans les bancs de mousse et dans les vallons sombres , éclairant la verdure des bois de son sourire ensoleillé.

« Ne redoute pas, Esprit, le bras ravisseur de la Mort ! La Mort si bien venue quand le tyran s’éveille, si bien venue quand le fanatique allume sa torche d’enfer ! Ce n’est que le voyage d’une heure sombre, le cauchemar passager d’un sommeil ininterrompu ! Non, la Mort n’est pas l’ennemie de la vertu ; la terre a vu les plus brillantes roses de l’amour fleurir sur l'échafaud, mêlées aux lauriers impérissables de la liberté, et présageant la vérité du bonheur rêvé. N’y a-t-il pas en toi des espérances qu’a confirmées la vision de la chaîne du progrès graduel de l’être ? * espérances dont l’aiguillon pressait ton cœur de regarder toujours au delà, quand,