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ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

te promenant par le clair de lune au bras de Henri, doucement et tristement tu lui parlais de la mort ? Voudrais-tu donc rudement arracher ces espérances de ton cœur pour écouter nonchalamment les croyances d’un bigot, ou t’incliner sans résistance sous le fouet du tyran dont les lanières de fer sont rouges de sang humain ?… Jamais ! … Mais toujours inflexible et brave, ta volonté est destinée à soutenir une éternelle guerre avec la tyrannie et le mensonge, et à déraciner du cœur humain les germes de la misère. C’est ta main dont la piété doit charmer l’oreiller épineux du crime infortuné (dont l’impuissance obtient un facile pardon), en veillant sur son délire comme sur la maladie d’un ami. C’est ton front dont la douceur doit défier sa plus furieuse rage, et braver ses plus tyranniques volontés, quand il est protégé par le pouvoir, et qu’il est le maître du monde ! Tu es sincère et bon, d’une âme résolue, libre du froid contrôle de la coutume qui dessèche le cœur ; d’une passion élevée, pure et indomptable. L’orgueil et les bassesses de la terre ne pourraient triompher de toi ; tu es donc digne de la faveur que lu viens de recevoir. La vertu marquera la trace de tes pas dans le sentier que tu auras foulé, et de nombreux jours de rayonnante espérance béniront la vie sans tache de doux et saint amour. — Va donc. Esprit heureux ! va rendre la joie à ce sein dont l’esprit sans sommeil est aux aguets pour saisir lumière, vie, extase, dans ton sourire ! » *

La Fée agite sa baguette magique ; muet de bonheur, l’Esprit remonte sur le char (qui roulait à côté du créneau), baissant ses yeux rayonnants en signe de reconnaissance. Les coursiers enchantés furent de nouveau attelés ; de nouveau les roues brûlantes enflammèrent la